Histoire - Patrimoine


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Traditions

LES VIEILLES PIERRES


A différentes époques, plus ou moins éloignées dans le temps, des groupes humains ont manifesté leur présence et leurs activités sur le site de Cassagne. Des vestiges épars témoignent de leur passage et permettent de reconstituer sommairement quelques épisodes de l'histoire locale.

Les lointains ancêtres

Il y a très longtemps, de 20 à 30 000 ans peut-être, à l'époque Aurignacienne, la vallée du Laouin, et plus particulièrement les cavernes ou simples abris qui s'ouvrent sur le versant du Tarté, avaient déjà attiré les hommes.
Alors que le pays, soumis à un climat sec et froid était couvert d'une végétation herbacée, des groupes de chasseurs séjournaient dans la grotte du Tarté, une salle spacieuse de 12 mètres sur 8, prolongée par deux courtes galeries.
D'après les ossements qu'on y a retrouvés, on sait que le cheval sauvage, le renne, le bison, le rhinocéros laineux, l'ours, la hyène et le loup peuplaient la campagne environnante.
Ces lointains cassagnards ont abandonné sur place un large échantillonnage de leurs outils taillés dans des silex et des quartzites gris : percuteurs, burins, racloirs et grattoirs de diverses formes dont l'un de type plus original a pris le nom de Tarté, dans la classification des vestiges de la préhistoire.
Quelques dizaines de siècles plus tard, entre 10 000 et 15 000 ans avant Jésus-Christ, à l'époque Magdalénienne, d'autres tribus de chasseurs occupèrent la grotte de Marsoulas, située en amont de la précédente. C'est un couloir de 60 mètres, prolongé par une galerie plus basse au fond de laquelle coule un petit ruisseau. En plus de la pierre taillée, ses habitants se servaient abondamment des os d'animaux pour confectionner des harpons, des aiguilles, des lames, des pointes de lances, des pendeloques, etc... parfois gravés de caractères décoratifs.
Leur plus grand mérite cependant, est de nous avoir laissé, sur des parois de la grotte, une surprenante série de portraits animaux et humains.
Tantôt dessinés en traits rouges ou noirs, tantôt gravés sur la roche, bisons, chevaux, bouquetins, rennes, isards, composent une extraordinaire fresque animalière dont le sujet le plus célèbre est le « bison pointillé » entièrement dessiné en larges pastilles rouge et considéré comme la « plus vieille peinture pointilliste du monde ».
L'homme préhistorique lui-même, fait assez rare dans les grottes ornées de cette époque, s'est représenté dans des croquis grossiers, appelés « grotesques de Marsoulas », le plus connu étant celui du « Sorcier ».
Aujourd'hui, la grotte de Marsoulas est classée « monument historique », mais en raison des dégradations qu'elle a subies, elle ne se visite plus.
A quelques millénaires des artistes de Marsoulas, soit entre 4 000 et 2 000 ans avant Jésus-Christ, d'autres peuples s'initiaient vraisemblablement à l'agriculture, au nord du site naturel de Cassagne. Ils avaient choisi pour ce faire, les sols en pente mais faciles à travailler du versant sud des Petites Pyrénées. On a retrouvé, à Pedegas (Commune de Belbèze), quelques exemplaires de haches en pierre polie qu'ils utilisaient. Toutefois, l'indice le plus significatif de leur passage est la pierre levée ou menhir de Balesta : il s'agit d'une dalle de calcaire blanc, en forme de fer de lance, d'environ trois à quatre mètres de long. Assez rares dans la région (on en a découvert seulement quatre dans la Haute-Garonne), les menhirs pourraient avoir eu une signification religieuse. Primitivement pointé vers le ciel, celui-ci a été abattu par les intempéries ou par les hommes. Il gît aujourd'hui près de la rive est du lac de Balesta, parmi les genévriers et les chênes rabougris.

La création du village

Au lendemain de la grande conquête romaine, la région de la basse vallée du Salat était déjà vouée à l'agriculture. Une route se détachant au Fourc de la grande voie Toulouse-Dax longeait la rivière et conduisait à la ville de Lugdunum-Conserani (Saint-Lizier).
On récupérait le sel des eaux de Salies, tandis qu'une armée d'esclaves extrayait les pierres à bâtir des carrières de Belbèze et de Balesta.
Cette exploitation se déroulait probablement sous la surveillance d'un détachement de soldats occupant la position stratégique de la roche d'Ausseing.
Les fondations d'un temple dédié au soleil et plusieurs amoncellements de pierres, restes d'anciens habitats, y attestent encore la présence d'un groupe humain aux premiers siècles de notre ère.
A la même époque, mais un peu plus bas, entre Sarradas et Bouque-de-Lens, la plaine du Salat, aux terres d'alluvions fertiles avait également fixé un groupe d'agriculteurs. Un sarcophage en pierre de Belbèze découvert au Saoudet et que l'on peut voir actuellement à l'entrée nord de l'Eglise, confirme bien l'existence d'une communauté chrétienne dans ce secteur aux alentours des Vèmes et Vlèmes siècles.
Les origines du village paraissent cependant postérieures à cette époque, elles pourraient être liées à celle des deux mottes féodales du Riou et du Casteras édifiées vraisemblablement au Xème ou Xlème siècle.
Ces mottes se présentent aujourd'hui comme des monticules de terre à profil trapézoïdal et de forme circulaire.
La motte du Riou, située légèrement à droite en aval du Pont de la Caraou, n'était peut-être qu'un ouvrage de défense avancé, chargé de surveiller la vallée du Lens et plus particulièrement le passage à gué de la vieille route de Belbèze. Elle était sans doute coiffée d'un donjon de bois et protégée par une ou plusieurs palissades extérieures.
La motte du Casteras qui domine la vallée du Lens du haut d'un versant abrupt est d'une dimension plus imposante. Son nom évoque l'existence d'un gros château : c'était un véritable camp retranché solidement fortifié. Un groupe de soldats devait y stationner en permanence pendant le Moyen-Age, notamment pour assurer la sécurité de la population des alentours et lui offrir un refuge en cas de danger. Elle a conservé la trace des fossés qui la ceinturaient et sont aujourd'hui empruntés par le chemin du Barry, mais du mur d'enceinte qui la couronnait encore vers le milieu du XIXème siècle, il ne reste que quelques éléments intégrés dans la façade nord des constructions actuelles.
La tradition locale confirmée par le nom du lieu rappelle aussi le souvenir d'un très ancien château édifié au sud de la commune au niveau de Marsoulas. Il en reste quelques fondations envahies de broussailles au sommet du plateau d'Es Castets.
Il est possible que l'agglomération primitive de Cassagne ait pris naissance aux abords de la motte du Casteras et se soit étendue suivant le plan caractéristique des villages de défrichement de part et d'autre de la route tracée dans la forêt environnante en surplomb de la vallée du Lens.
La forêt occupait, en effet, la majeure partie du plateau entre Lens et Salat. Elle a été défrichée tardivement, probablement au début du Moyen-Age et le village a tiré son nom du chêne qui en constituait l'essence dominante. D'autres lieux-dits de la commune rappellent, par ailleurs, les arbres de la forêt primitive. On retrouve facilement l'orme dans la Oumato, l'aulne ou verne dans les Bernets, le genévrier dans le Gebraou, etc.
La plus ancienne mention connue de Cassagne, comme lieu habité, daterait du Xème siècle. On écrivait alors Cassinia. Par la suite le nom changea plusieurs fois d'orthographe pour devenir Cassanhe au XVIème siècle, puis Cassaigne au XIXème, mais sous ces diverses formes, il évoque incontestablement le chêne (Casse en Gascon par lointain héritage du mot gaulois Cassanos) et il signifie approximativement : le Pays des Chênes.
Cet arbre a donc à Cassagne une valeur symbolique. Il figure sur l'écusson de la commune, au fronton de la Mairie et l'on peut en voir dans la campagne certains spécimens aux dimensions imposantes qui sont devenus des modèles pour le photographe local Olivier Minh.
Tel est celui qu'on appelait « Et casse dera hount escuro », il déployait ses ramures à l'intersection des routes de Mazères et Roquefort. Une célébrité locale, René Maheu, alors Directeur de l'UNESCO l'admirait particulièrement, il l'avait qualifié de « Sentinelle de Cassagne ». Apprenant un jour qu'il allait être abattu, il l'acheta pour le maintenir debout. Il sera finalement abattu au tournant du millénaire, menaçant la route en contrebas.
Né de la forêt primitive, le noyau d'habitation qui formera le village se développa vraisemblablement pendant tout le Moyen-Age et les siècles suivants au rythme des défrichements. Ceux-ci avaient commencé sur les terres les meilleures du plateau, ils se poursuivirent ensuite sur les coteaux d'au-delà du Lens où les bois reculèrent progressivement au profit des cultures et des prairies, tandis que se créaient de nouvelles fermes généralement à proximité des points d'eau. Comme dans la plupart des hameaux, l'approvisionnement en eau du village posa longtemps de difficiles problèmes :
Les sources coulent en contrebas assez loin des habitations. On utilisa naturellement les plus proches : sur le versant du Salat, la Hount Escuro et la Hount Carbe, dont les eaux faiblement calcaires alimentèrent un lavoir communal, sur le versant du Lens, les Hounts de Champagno, de Capsuran et du Barry ; ces deux dernières furent plus tard aménagées en fontaines publiques.
Ainsi, depuis les origines de la localité et jusqu'à une époque récente, des générations de femmes se sont succédé sur les sentiers de ces sources pour remplir la cruche de terre ventrue (la Dourne) et remonter inlassablement jusqu'au village l'eau nécessaire aux besoins du ménage.
Quelques puits relativement profonds constituaient une ressource d'appoint : quant aux animaux domestiques, ils s'abreuvaient dans les mares creusées à proximité des maisons, telle celle qui, il n'y a pas si longtemps encore, bordait tout le côté ouest du Pré Commun.

L'affirmation de la société rurale

La nouvelle communauté eut, très tôt, ses propres institutions. On signalait en effet l'existence de Consuls, ancêtres des Conseils Municipaux, dès 1272.
Elle faisait alors partie du Comté de Comminges et relevait plus directement au point de vue administratif de la Châtellenie de Salies.
Dans le domaine religieux, Cassagne constituait une grosse paroisse, regroupant les collectivités annexes de Belbèze, Escoulis et Marsoulas. Cette dernière a conservé du XlVème siècle une église rustique de style roman tardif avec des couvertures en arc plein ceintre et un clocher mur triangulaire caractéristique de l'architecture régionale.
La paroisse était rattachée au diocèse de Comminges dont le siège épiscopal se trouvait à Saint-Bertrand et la Commanderie des Templiers de Montsaunès, propriétaire d'une partie des terres de Sarradas y bénéficiait d'importants privilèges.
Succédant au Moyen-Age dont les traces sont finalement assez minces, le XlVème siècle semble avoir apporté une prospérité tardive qui vit la population augmenter et la construction se développer.
Il nous en reste le château de Sarradas, flanqué d'une tour ronde, que la tradition fait remonter au règne d'Henri IV et la Maison Hugues où l'on peut encore voir l'emplacement des fenêtres à meneaux. Mais l'édifice le plus intéressant de cette période n'est autre que l'église paroissiale : sa large nef à la voûte soutenue par une série d'arcs entrecroisés, ses fenêtres ogivales, ses hauts contreforts de grosses pierres taillées lui donnent des allures de monument gothique, tandis que la porte à colonnes de sa façade nord est un exemple très représentatif du style de la Renaissance.
Les deux siècles suivants nous ont légué les fontaines du Barry et de Capsuran, deux petits édifices voûtés abritant un besoin de retenue.
La première date de 1681, elle s'inscrit dans un décor forestier qui n'a guère changé depuis sa construction et possède un réel pouvoir évocateur du temps passé.
On peut rattacher à la même période quelques maisons d'habitation aux ouvertures surmontées de linteaux voûtés, avec œils de bœuf sous le toit.
Celles qui ferment la place de la Croix du côté nord servirent peut-être de relais de poste : en 1814 un détachement de l'armée anglo-portugaise de Wellington à la poursuite des troupes Napoléoniennes y fit étape, tandis qu'une partie de la population s'enfuyait dans les bois après avoir enterré les provisions et les objets précieux.
Le témoin le plus remarquable du XVIIIème siècle reste néanmoins le pont de la Caraou : sa dimension laisse penser que la vieille route de Cassagne à Belbèze connaissait alors un trafic relativement important. Construit sous le règne de Louis XV, il a été inscrit à l'inventaire des Monuments Historiques, il possède une arche double qui se reflète dans le Lens ainsi que de lourds parapets ajustés par les tenons et mortaises sur lesquels les moyeux de charrettes ont laissé la trace de leurs frottements.
Dans leur cadre de verdure et d'eau, ces vieilles pierres dégagent un charme indéniable, apprécié par les peintres et les amoureux de la nature.
Plus près de nous, au XIXème siècle, le développement de l'agriculture, des carrières, du tissage, puis des papeteries provoqua un nouvel essor de la construction et la population communale dépassa 800 habitants. De nombreuses maisons aux ouvertures rectangulaires encadrées de mœllons de pierre blanche sont les produits de cette période, le meilleur exemple du type étant le presbytère dont le linteau de la porte d'entrée est daté de 1833. L'expansion des échanges et des transports entraîna une amélioration du réseau routier et la construction de la plupart des ponts encore en service aujourd'hui. Celui de Bordères en 1840, celui de l'Ille en 1848, mais aussi sur le Laouin, celui de Sarradas et sur le ruisseau de Belbèze, celui de Coutilloun.
En matière de scolarisation, un établissement public de garçons fut ouvert en 1867, près de l'Eglise, dans la maison Châtaigner. Il fut remplacé, à partir de 1900 par les bâtiments actuels. Simultanément, vers 1850, avait été également construite une école libre de filles au centre du village (Maison Escaich). Un immeuble particulier, la Maison Ruffé, appelé aussi « Le Château » en raison des tours qui l'agrémentaient autrefois, se fait remarquer par ses dimensions inhabituelles et les éléments de pierre taillée de sa façade, il date de 1875.
Quelques petits édifices portant une croix ou une statue souvent situés au croisement des routes, témoignent enfin de la piété populaire et de l'architecture religieuse mineure au siècle dernier. Le plus original est la Montjoie du Santet : il est surmonté d'une croix marquée de l'année 1839 et comporte une petite niche contenant une statuette de Saint-Saturnin, premier évêque de Toulouse. C'est celle-ci (Santet signifiant petit saint) qui a valu son nom au quartier.
Après ce rapide survol des traces du passé de la Commune, notre siècle apparaît comme une époque d'accélération brutale et de bouleversements profonds par rapport aux périodes antérieures, caractérisées par des évolutions lentes et soumises à « l'ordre éternel des champs ». L'aspect du village ou de ses écarts et leurs dimensions en seront sensiblement affectés.
Comme partout ailleurs, les guerres ont frappé durement la Commune. Celle de 14-18 est commémorée par le Monument aux Morts du Pré-Commun sur lequel sont gravés 36 noms.
Le conflit de 39-45 est évoqué par un nom supplémentaire au Monument de 14-18, une plaque à Furne en souvenir d'Henri Montagut déporté au camp de Dachau et une stèle aux « Quatre Chemins » pour un maquisard victime des Mongols de l'armée Vlassof.
Enfin le 10 juin 1944, les habitants de Cassagne virent passer la colonne S.S de la division Das Reich qui perpétra le massacre de Marsoulas, et connurent ce jour-là leur plus grande frayeur de la Guerre.
Mais notre époque peut heureusement se prévaloir de réalisations plus pacifiques, elle a été celle d'un développement considérable des équipements publics : revêtements des routes et de la plupart des chemins communaux, construction de bordures et de trottoirs dans le village, installation des réseaux d'électricité, de téléphone et d'eau potable, édification des bâtiments de la Salle des Fêtes, de la Mairie, de la Poste et des Douches, création d'un complexe sportif à Bouque-de-Lens, aménagement du Pré-Commun et des abords de l'Église, canalisation des eaux pluviales ou usées et diverses opérations d'embellissement du cadre de vie.
Cependant, l'héritage le plus spectaculaire du XXème siècle sera, sans doute, celui de l'expansion de la construction. A partir de 1950 en effet, le village éclate, il sort de ses limites traditionnelles qui n'avaient guère varié dans le passé pour égrener ses nouvelles maisons, souvent des résidences secondaires, le long des routes des Foys, d'Es Castets et des Lux en direction de Salies ou dans une moindre mesure, sur le plateau du Santet et le quartier du Pradet vers Sarradas. La plupart des hameaux connaissent le même phénomène. A Sarradas, les habitations récentes se sont implantées au bord des routes de Salies et de Cassagne, de l'Isle et du Crampan, elles ont contribué à doubler le nombre d'immeubles de ce hameau, tandis qu'en direction opposée, sur le plateau de l'Estourère s'est créé un nouvel ensemble de constructions dispersées.

LES MÉTIERS D'AUTREFOIS

Jusqu'à l'apparition des Industries Papetières de Mazères, à la fin du siècle dernier, la commune vivait à titre principal des produits de l'agriculture et de l'élevage, mais elle avait vu également se développer une activité artisanale, destinée à satisfaire les besoins locaux ou à valoriser les ressources spécifiques de l'environnement.
L'ancienne économie locale était surtout caractérisée par la recherche de l'autosuffisance.
Il fallait produire sur place le maximum de ce dont on avait besoin pour se nourrir, pour travailler la terre et répondre aux nécessités de la vie domestique, tout en achetant le moins possible à l'extérieur. Cette obligation entraînait une grande diversification des cultures et des métiers.


L'agriculture


Occupant la grande majorité de la population, elle avait pour mission de fournir les produits alimentaires de base, et d'abord le pain.
Dans le choix des cultures, les céréales, et particulièrement le blé, prenaient donc un rang prioritaire.
Primitivement, on devait sans doute cultiver diverses sortes de millet, plante rustique à végétation rapide, consommée sous forme de bouillie. Cette production a été progressivement abandonnée à partir du XVIIIème siècle, au profit du sarrasin et surtout du maïs dont on fit du pain (mistras), des bouillies au lait (gaudines) et du millas, un part croissante de la récolte étant autrefois réservée à l'engraissement des animaux. Une enquête de 1880 concernant l'activité agricole de la commune nous renseigne assez précisément sur la répartition des cultures à cette époque-là : elle confirme l'importance des céréales et leur diversité. Les trois-quarts du territoire agricole, environ, leur était affecté et elles fournissaient une récolte de plus de 4 000 hectolitres dont 2 300 de blé, 1 200 de maïs, 300 de méteil, 150 d'avoine, 100 de seigle et 50 de sarrasin.
- Les légumes constituaient après les céréales, la deuxième base de l'alimentation. A côté des choux, navets, carottes et autres produits des jardins, les fèves et accessoirement les pois tenaient une grande place.
Au XVIIIème siècle, apparut également le haricot étroitement associé au maïs entre les pieds duquel on le semait.
A peu près à la même époque que les deux plantes précédentes, et venant comme elles, d'Amérique, la pomme de terre se répandit avec une grande rapidité.
Sa production était estimée à 3 000 quintaux en 1880, mais elle n'avait pas pour autant éliminé les fèves dont la récolte s'élevait encore à 400 hectolitres.
- L'élevage, en cette fin de XIXème siècle était également orienté vers la satisfaction directe des besoins alimentaires : 600 à 700 porcs, s'ajoutant aux poules, oies, canards, lapins dont chaque ferme était abondamment pourvue, fournissaient l'essentiel de la viande et des matières grasses consommées. Les produits à base de lait, par contre, n'occupaient qu'une place modeste dans les menus : le cheptel bovin de race gasconne, aux médiocres aptitudes laitières, était surtout composé des bœufs de travail et ne dépassait guère 300 têtes.
Avec une soixantaine de chevaux, ânes et mulets, il constituait la principale source d'énergie de l'agriculture. 140 hectares de prairies naturelles et quelques parcelles de trèfle incarnat (farouch) ou de seigle vert, étaient affectés à sa nourriture. Les moutons, au nombre d'un millier étaient élevés à la fois pour la chair et pour la laine. Ils permettaient de valoriser les terres laissées en friches entre deux cultures successives : leurs troupeaux étaient parfois conduits en transhumance dans la montagne de la haute vallée de l'Ariège.
- L'enquête de 1880 révèle par ailleurs que les vignes, généralement des Hautains, destinées à la seule consommation familiale, s'étendaient sur une vingtaine d'hectares. Parmi les arbres fruitiers, enfin, seul les pommiers disséminés un peu partout dans les près ou au bord des routes avaient une réelle importance. On signalait, également, des pruniers dont certaines variétés permettaient d'obtenir une eau de vie réputée et quelques châtaigniers, vestiges de plantations autrefois beaucoup plus étendues.
- Ayant satisfait les principaux besoins alimentaires de la population, l'Agriculture et l'Elevage dégageaient des surplus d'importance variable selon les années. Ils étaient généralement commercialisés à l'occasion des foires de Salies et permettaient d'acquérir tous les autres biens utiles qui n'étaient pas produits sur place.
- Complément naturel de l'économie agricole, la forêt était utilisée à la fois comme source de bois d’œuvre ou de chauffage et zone de parcours pour les bestiaux. En 1272 déjà, alors qu'une grande partie du territoire communal était encore couverte d'un manteau forestier, la vente de bois procurait des ressources substantielles. Le Viguier de Toulouse représentant l'Administration Royale précisait dans un texte adressé aux Consuls de Cassagne la dimension des bois mis à flotter sur la Salat pour être expédiés vers la région Toulousaine.
La production forestière diminua progressivement jusqu'au XIXème siècle à la faveur de l'extension des cultures, mais sans jamais devenir tout à fait négligeable.

L'artisanat


Etroitement dépendant de l'Agriculture, il visait comme elle à satisfaire des besoins élémentaires tels que la production d'outils de travail ou d'objets ménagers, la confection de vêtements, la construction de bâtiments, l'élaboration de produits alimentaires et la fourniture d'autres services courants.
Un acte notarié de 1828 réglant le partage de biens communaux entre les chefs de famille de Cassagne révèle à cet égard la variété des métiers pratiqués à cette époque : on y cite en effet, le forgeron maréchal-ferrant, l'étameur, le charron, le menuisier, le tonnelier, le scieur, le sabotier-tourneur, le cordonnier-bourrelier, le potier-faïencier, le meunier, le tisserand, le tailleur d'habits, le maçon, le charpentier, le tailleur de pierre, l'officier de santé, etc.
Certaines de ces activités artisanales profitant des ressources du terroir, connurent un rayonnement qui dépassa le cadre communal : tel fut le cas des Moulins, de la Poterie et du Tissage.

Les moulins

La commune dispose de deux cours d'eau aptes par leur pente et leur débit à fournir de l'énergie. Les anciens Cassagnards y installèrent des moulins destinés à la transformation des produits locaux, mais cette activité entraîna des relations d'échanges avec les régions voisines. C'est ainsi que vers le milieu du XIXème siècle, Laurac, carrier de Furne livrait des pierres taillées à Toulouse et ramenait le blé pour les moulins du village. Ces transports se faisaient sur des chars à bœufs et le voyage durait une semaine.
Le Salat actionnait deux gros moulins :
- Le premier situé en amont du pont de Mazères et du « Moulin Batan » devait autrefois fouler des draps de lin tissés dans le pays : c'est l'actuelle minoterie Suderie.
- Le second occupait l'emplacement de la Centrale Hydroélectrique de Bouque-de-Lens, il écrasait des céréales et des graines en lin avant d'être emporté par les terribles crues de 1875.
Le Lens de son côté fit fonctionner un foulon à cuir à Bouque-de-Lens, deux scieries (au niveau de son embouchure et aux Longuères) deux moulins à grains à l'Ille, un broyeur à plâtre dit de « Garric » à Marsoulas, et un autre au Jourdin sur la Commune de Betchat. D'après la tradition, ce dernier aurait été construit vers 1750 par un certain Raymond Anglade.
Toutes ces installations sont aujourd'hui ruinées : le Moulin de l'Ille, dernier en activité, a écrasé ses ultimes « mesures » de blé en 1965.
En même temps que les eaux courantes, le vent fut aussi utilisé comme source d'énergie et les coteaux qui s'élèvent au-dessus de l'Estourelle portèrent un ou plusieurs moulins à vent dans le secteur dénommé depuis lors « Es Moulis ».
Les restes de l'un d'eux, soit la partie inférieure d'une tour circulaire, sont encore visibles non loin du château d'eau de Belbèze.

La terre cuite

Une bonne partie du sous-sol de la commune, notamment la zone des coteaux d'au-delà du Lens est de formation argileuse. Rien d'étonnant, dès lors, qu'à partir d'une matière première si abondante, les anciens Cassagnards aient créé des ateliers de terre cuite. La toponymie rappelle encore cette particularité dans les appellations de « terres rouges » et « la tuilerie » appliquée à des lieux d'au-delà du Lens. Selon une ancienne tradition, de nombreux ateliers de poterie prospéraient à Cassagne au XVIIème siècle, à tel point même que certains potiers auraient été anoblis par Louis XIV du titre de Chevalier.
Il semble pourtant que cette spécialité se soit limitée à la production d'ustensiles de ménage assez grossiers (pots, « oules », « dournes », vinaigriers etc.).
Elle se serait perfectionnée par la suite sous l'impulsion d'un artisan particulièrement habile, qui contribua également à assurer la renommée de la poterie de Plagne dans le Canton de Cazères. Les restes du four d'un des derniers potiers du village sont encore visibles sur la façade d'un immeuble près du Pré-Commun (Maison Sajous).
Pour la construction proprement dite, les habitants de Cassagne disposaient encore au siècle dernier de deux tuileries : celle de Bartet à Sarradas, dans l'immeuble appelé encore « La Facture » et celle de Limargue au Village.

Le tissage

A côté des productions alimentaires, une culture industrielle, celle du lin, s'était progressivement développée à Cassagne, au cours des XVIIIème et XIXème siècle. Elle fournissait à la fois des fibres textiles et des graines à huile. Les fibres étaient en partie tissées sur place. Les artisans occupés à cette tâche furent, au siècle dernier, assez nombreux et assez spécialisés pour qu'on ait appelé Cassagne le village des Tisserands. On disait, en effet, « Cassanho hurrupo canets », soit : « Cassagne : avaleurs de canettes ». Cette activité produisait des toiles assez lourdes dont on faisait des draps de lit, des chemises, des sacs, etc. Elle a survécu quelques années à la culture du lin, pratiquement abandonnée avant notre siècle, et le dernier métier à tisser, celui de Vincent St-Germès s'est arrêté en 1925.

L'EXPLOITATION DU SOUS-SOL

La proximité de deux rivières (Salat et Garonne) susceptibles de faciliter le transport de charges pondéreuses vers la plaine Toulousaine dépourvue de pierre, ainsi que la qualité et la variété des roches exploitables expliquent l'ouverture de nombreuses carrières, tandis que ses routes voyaient défiler les lourds attelages de bœufs acheminant la pierre vers les chantiers de construction, les ateliers de transformation ou les ports d'embarquement de Boussens.

La pierre de Furne

Les carrières de Furne paraissent avoir été exploitées dès l'Epoque romaine mais c'est depuis le XlVème siècle qu'elles ont livré les principaux témoignages de leur activité.
Elles produisent un grès calcaire roux, tendre et apte à la taille ou à la sculpture, largement utilisé autrefois dans les édifices monumentaux de la région (Eglises, châteaux, ponts, etc.).
Mais la facilité de sa taille a fait également employer la pierre de Furne pour la réalisation d'une multitude de petites constructions et d'objets utilitaires ou décoratifs : auges et saloirs, éviers, dalles funéraires, statues, encadrements de portes et fenêtres, etc.
Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, époque de construction intense, les carrières de Furne occupaient plus d'une centaine de carriers, transporteurs et tailleurs de pierre. Le dernier carrier de Furne, Louis Laurac, cessa son activité en 1930 après avoir fourni les arcatures destinées à compléter la reconstitution du cloître de l'abbaye de Bonnefont, sur les bords de l'Hudson aux Etats-Unis.
Les techniques d'exploitation ne semblent par avoir beaucoup varié dans le temps. On commençait par creuser une large excavation dans le sol. Lorsque le banc de roche était atteint, l'extraction se poursuivait selon un plan incliné en suivant l'orientation du gisement. La carrière ressemblait rapidement à une grotte largement ouverte, s'enfonçant en pente rapide.
La voûte était soutenue par d'énormes piliers ménagés dans le front de taille pour prévenir tout effondrement. C'est sous cet aspect que se présentent encore les carrières de Furne, creusées à flanc de coteau à une altitude de 430 mètres environ, au-dessus du hameau dont elles portent le nom.
Les plus grandes atteignent une trentaine de mètres de profondeur et 5 à 6 de hauteur en souterrain.
Le travail d'extraction proprement dit, consistait d'abord à creuser une entaille ébauchant la dimension du bloc que l'on voulait obtenir.
Pour le détacher de la masse, il fallait ensuite procéder à une fissuration en profondeur au moyen de coins de différentes grosseurs, enfoncés à distance rapprochée dans le tracé en creux. Le bloc était ensuite remonté du fond de la carrière par des attelages de bœufs qui le faisaient glisser sur des rouleaux de bois. Il pouvait être alors affiné sur place ou bien grossièrement équarri et évacué vers des ateliers de tailleurs de pierres des environs.

Le plâtre de la vallée du Lens

Le Gypse abonde dans le sous-sol de la vallée du Lens à Cassagne, Marsoulas, Betchat et Escoulis.
Il se rencontre sous forme d'épaisses couches d'une roche tendre et friable de couleur grisâtre ou tirant sur le blanc. Il était vraisemblablement exploité dès le XVIIème siècle et son extraction interrompue au lendemain de la guerre 14-18 a repris ultérieurement à Escoulis et Betchat selon des méthodes industrielles.
Les anciens « chantiers », comme on appelle encore les carrières de plâtre, s'ouvraient par un puits vertical sur les parois duquel on taillait un escalier en colimaçon. Lorsqu'on avait atteint la couche de gypse, l'extraction se poursuivait en galeries horizontales.
Ces puits d'une hauteur variable de 10 à 30 mètres, avaient un diamètre restreint au niveau du sol (5 mètres environ) et ils s'élargissaient progressivement jusqu'à une vingtaine de mètres au fond.
- L'exploitation se faisait au pic et les pierres étaient remontées à dos d'homme ou dans des paniers par l'étroit escalier tournant. Les infiltrations d'eau, fréquentes, étaient primitivement évacuées vers la surface à coups de seaux. Plus tard, on installa au fond des puits des pompes à mains, travail pénible qui, aux dires des anciens, rendait généralement bossu le préposé au pompage. L'extraction du gypse n'était pas exempte d'accidents et l'on sait, par exemple, que la chapelle de Marsoulas à été construite pour rappeler le souvenir d'un groupe de mineurs écrasés par l'effondrement d'une galerie.
Une fois remonté à la surface, le gypse était cuit dans des fourneaux spéciaux, puis écrasé pour être réduit en poudre. Cette opération était réalisée d'abord à l'aide de massues de bois cuirassées de lames de fer, jusqu'à l'apparition des moulins à plâtre du Lens. La dernière installation connue de cuisson et de broyage se situait à l'emplacement de la centrale hydroélectrique, en aval de Bouque de Lens, en bordure de la route de Roquefort.
Les anciens chantiers de plâtre sont aujourd'hui remplis d'eau ou comblés par des éboulements.
Sur la commune de Cassagne, un seul est encore accessible à gauche de la route d'Escoulis, peu avant le pont du ruisseau de Belbèze. Une étroite ouverture percée au bas du talus permet de descendre par une pente encombrée d'éboulis jusqu'à une grande salle creusée directement dans le banc de gypse.

Les autres richesses du sous-sol

Comparativement au grès de Furne ou du gypse du Lens, elles n'ont joué q'un rôle mineur dans l'économie locale et n'ont fait l'objet que d'exploitation épisodique.
* Il convient d'abord de citer l'ophite de l'Arrouquet, une pierre très dure de couleur gris-clair ou gris-foncé, parfois verdâtre : il fut employé principalement sous forme concassée pour la construction de routes et voies ferrées, mais aussi en blocs de grande dimension pour la mise en place de digues et d'enrochements divers. Sa dernière période d'utilisation remonte à une vingtaine d'années. Il en reste en bordure de la route d'Escoulis un bel hémicycle, aux parois verticales, creusé dans la masse rocheuse qui étrangle la vallée du Lens.
* Autre type de roche utile: le Lignite, c'est une sorte de charbon fossile apparaissant par petites poches dans les formations géologiques du Crétacé.
Les préhistoriques du Laouin le connaissaient et en avaient fait des objets sculptés. Il servit peut-être occasionnellement à fabriquer du jais, et récemment encore les forgerons de Marsoulas l'utilisaient pour alimenter leurs foyers.
* Comme à Ausseing et à Belbèze où elle connut un remarquable essor (à tel point que les habitants de Belbèze étaient appelés « Es Caoudies »), l'industrie de la chaux utilisa les pierres calcaires de Furne et le nom même de ce hameau pourrait bien rappeler l'existence des fours où l'on les cuisait.
* Les sables et galets de la vallée du Salat furent exploités de tout temps par les riverains, notamment les habitants de Sarradas, pour leurs besoins de construction et une sablière industrielle fonctionna dans les années 60 non loin de ce hameau, à l'Isle de l'Arroucaou.
* Pour être complet, on peut enfin rappeler que le permis d'exploitation des mines de sel de Salies recouvre une partie du territoire communal (entre Sarradas, le Plandulieou, et le Salat) et qu'un certain nombre de nos compatriotes ont travaillé à l'usine d'extraction toute proche.

Au terme de cette énumération des anciennes industries extractives de Cassagne ou des environs immédiats, on ne peut manquer d'être frappé par la diversité et la complémentarité des ressources naturelles mises en valeur dans un territoire aussi restreint.
Tous les matériaux nécessaires à la construction étaient pratiquement produits sur la commune même : les collines de Furne pouvaient fournir des pierres de taille, des mœllons et de la chaux, les rives du Salat des graviers et des cailloux, la vallée du Lens sciait les bois de charpente et extrayait le plâtre pendant que les tuileries de Guirauton, de Sarradas ou du village assuraient la couverture des toits.

LES PAPETERIES LACROIX

L’usine que nous avons connue a dû accomplir un prodigieux effort pour conserver sa suprématie parmi les nouveaux venus dans l’industrie papetière. Les magnifiques résultats obtenus ainsi aux usines de Mazères, Cassagne et Saint-Martory sont dus à la persévérance assidue de Messieurs Robert, André et Marcel Lacroix.
Monsieur Robert Lacroix, Président du Conseil d’Administration de la Société, s’occupait particulièrement, en plus de la gestion générale, du maintien et de l’élargissement des débouchés. Il fut Maire de Mazères dès 1925, Président de la Chambre Syndicale des fabricants de Papiers à Cigarettes, et membre du Comité professionnel de l’Industrie du Papier créé par le gouvernement.
Monsieur André Lacroix, ancien Maire de Cassagne, administrateur délégué des Papeteries, employait ses qualités d’organisateur et son activité à l’amélioration de la production des usines de Mazères et aux questions sociales auxquelles il consacrait le meilleur de son temps de son affabilité coutumière.
Tous deux ont eu à cœur de développer les œuvres sociales de leurs prédécesseurs pour améliorer efficacement par d’heureuses initiatives, les conditions de vie de leurs collaborateurs et ouvriers.

L’œuvre sociale

Avant de terminer le bref exposé de cette œuvre admirable accomplie par de patients et laborieux efforts, il serait regrettable de ne pas souligner les nombreux et substantiels avantages dont jouissaient les ouvriers de la Société Lacroix.
Devançant les institutions de l’Etat, Messieurs Lacroix assuraient à leurs vieux ouvriers une retraite qui leur permettait d’être à l’abri de tous soucis.
De plus, certains ouvriers ayant droit à cette retraite, mais préférant garder leur place au milieu de leurs compagnons, étaient employés à de menus travaux (besognes de propreté ou de surveillance qui les maintenaient ainsi obligeamment dans le cadre de leurs habitudes).
Si l’avenir des vieux travailleurs a eu toute leur sollicitude, l’avenir des jeunes travailleurs retenaient également toute leur attention. Devançant encore les institutions de l’Etat, les frères Lacroix avaient créé une de leurs plus belles œuvres sociales. Ils avaient décidé pour leurs jeunes ouvriers et ouvrières de Mazères, non pas de leur consentir un prêt au mariage, mais de leur accorder une donation totale sous la forme d’une dot du montant de cinq mille francs qui aiderait les jeunes époux à s’installer convenablement chez eux sans attendre d’avoir fait des économies pour fonder un foyer.
Des primes à la natalité, attribuées depuis de nombreuses années, continuaient à être versées en plus de celles obligatoirement fixées pour les Allocations Familiales.
La journée de huit heures fut appliquée dans les Papeteries Lacroix sans attendre la date légale.
Un réfectoire clair, propre, aéré, pourvu d’installations électriques modernes permettait aux ouvriers habitant trop loin, de faire leur cuisine et de prendre confortablement leur repas.
Une installation modèle de douches d’une propreté méticuleuse et d’une organisation hors pair, était mise à la disposition des ouvriers et de leur famille.
Un docteur mis gratuitement au service du personnel donnait des consultations plusieurs fois par semaine dans un bureau spécialement aménagé à cet effet dans l’usine et attenant à une salle d’infirmerie moderne, d’où il pouvait être appelé par téléphone pour se rendre au domicile des ouvriers ou de leur famille.

L’œuvre communale

La commune de Mazères, en plus des nombreux travaux ou entretiens effectués gratuitement, voit ses installations de pompage d’eau potable entretenues par des spécialistes de l’usine.
Et tous les avantages que nous ne pouvons énumérer étaient étendus, bien entendu à la commune de Cassagne.
Un matériel moderne de lutte contre l’incendie était mis à la disposition de Mazères et des communes des environs qui, de très loin même, ont souvent fait appel aux pompes et au personnel de l’usine.
De nombreuses cités ouvrières modernes, coquettes et spacieuses, des logements disséminés dans la commune étaient loués aux ouvriers à des prix dérisoires par rapport aux prix pratiqués dans la région.
Envoi chaque année gratuitement, sous la conduite de surveillants, dans une colonie de vacances à la mer, de tous les enfants ayant obtenu leur certificat d’études et facilité accordée aux familles d’envoyer les autres enfants dans le même centre, avec 50% de réduction sur le tarif officiel.
La Société Lacroix a créé une installation moderne de Pisciculture. Chaque année des milliers d’œufs de truites étaient placés dans des incubateurs et près de vingt mille alevins étaient, après quelques mois d’un élevage qui nécessite des soins de tous les instants, répartis entre les diverses Sociétés de Pêche de la région, pour être immergés dans les cours d’eau des environs.

L’effort sportif et artistique

La culture physique et les sports ont eu tous les soins et toutes les attentions des Messieurs Lacroix en faveur des enfants des communes de Mazères, de Cassagne et de tout leur personnel.
Un moniteur professionnel avait été engagé spécialement pour ne s’occuper que de la culture physique, de la préparation militaire et de tous les sports en général.
Les cours d’éducation physique éient donnés gratuitement dans les écoles et dans la salle ultra-moderne aménagée avec tous les agrès et accessoires nécessaires, dans les locaux de l’usine. Mais elle était ouverte à tous.
Dès que le temps le permettait, les exercices avaient lieu en plein air dans le beau terrain de sports du «Mazères-Cassagne-Sports», si judicieusement choisi entre les communes de Cassagne et de Mazères. Ce terrain de sport, unique dans la région, impeccablement entretenu pour l’équipe de rugby, possède des tribunes que Messieurs Lacroix ont faites construire.
Pendant les vacances, des équipes de scouts campeurs passaient les journées en plein air, toujours sous la conduite et la surveillance du moniteur, Monsieur Marquie. Une clique qui, d’ores et déjà, a obtenu les plus vifs et les plus justes succès, sous la direction de Monsieur Barthe, est encore une création des Papeteries Lacroix.
Une garderie et une école libre de filles, avec cours ménager, ont été créées par leurs soins.
Nous oublions certainement de nombreux avantages dont jouissaient les ouvriers des Papeteries. Malgré tout, les frères Lacroix ne peuvent avoir aucun regret. Leur meilleure récompense est d’avoir réussi à former une grande famille au sein de leurs usines.
Cependant les Pouvoirs Publics ont toujours suivi avec bienveillance les persévérants efforts des administrateurs de cette industrie familiale, œuvre collective de plusieurs générations et 1938 a vu fêter en septembre, lors du banquet offert dans l’usine à près de 900 ouvriers, les 53 médailles de travail qui entouraient les nouveaux légionnaires : Monsieur Robert Lacroix, promu au grade d’Officier, Monsieur André Lacroix, promu Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur.
Cette journée d’union joyeuse, empreinte d’une franche cordialité réciproque, fut le symbole de l’esprit de coopération qui a favorisé le développement de cette belle industrie et qui permettait d’envisager l’avenir avec confiance.

Concentration Cyclotouriste Interdépartementale

Près de 500 cyclotouristes et campeurs se trouvèrent en quelques heures réunis dans ce petit coin du Comminges. Cette dernière manifestation, consacrée au meilleur, au plus rationnel des sports, a obtenu un succès qui dépassa toutes les prévisions des organisateurs.
Monsieur André Lacroix, le 4 septembre 1938, adressant ses meilleurs remerciements aux cyclos-campeurs accourus au rendez-vous de Cassagne pour ce premier Rallye, leur dit son espoir de les recevoir de nouveau en 1939.
Peut-on imaginer l’animation que donnèrent, à notre coquette petite commune, ces jeunes et ardents sportifs venus de tous les départements limitrophes.
De Pau, Tarbes, Lannemezan, Toulouse, Auch, Montauban, Saint-Girons, Castelnaudary, etc....
Ces randonneurs, jeunes et vieux, se hâtaient pour rencontrer, connaître les membres des Clubs qui avaient à cœur d’être les plus nombreux, les premiers, après avoir effectué les plus longs, les plus touristiques parcours.
Des vétérans étaient sur les rangs des clubs de Pau, de Toulouse, mais aussi des jeunes qui, sur leurs minuscules vélos accomplissaient les 74 kilomètres de Toulouse-Cassagne allègrement.
Les jeunes Raymond Yzon, 7 ans et demi, Lucienne Yzon, 11 ans, participaient cependant la même après-midi du 4 septembre au Rallye Lacroix des Juniors.

SECONDE GUERRE MONDIALE

Le fait le plus connu en référence à la seconde guerre mondiale reste bien entendu le massacre perpétré par les allemands de la division «Das Reich» à Marsoulas le 10 juin 1944. Cassagne a, ce jour-là, échappé au pire, les soldats ayant traversé notre village avant de vider leurs chargeurs sur les habitants du village suivant, qui n’était peuplé essentiellement que de femmes et d’enfants, les hommes valides ayant gagné le maquis de Betchat plus au sud.
Dans le cadre de la commémoration du 70ème anniversaire des combats de 1940, Monsieur le Secrétaire d’état à la Défense et aux Anciens Combattants a voulu que s’exprime la reconnaissance de notre pays à l’ensemble des anciens combattants de la Seconde Guerre Mondiale.
Pour cela, il a souhaité qu’un diplôme d’honneur soit remis par les maires aux personnes concernées dans leur commune.
En procédant ainsi, il a souhaité que les anciens combattants, mais aussi leurs descendants, leurs voisins, ceux qui les connaissent, se sentent impliqués dans une démarche collective de mémoire.
La liste des récipiendaires, titulaires de la carte du combattant 39-45, nous a été fournie par l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
A l’occasion de la cérémonie commémorative qui s’est déroulée le samedi 08 mai 2010 à Cassagne, Monsieur le Maire a donc remis un diplôme d’honneur à Jean Bourgade et à Jean Lavignette-Croutzet, habitants de notre village.
Par ce geste d’hommage, il exprimait toute la reconnaissance de la population envers ceux qui ont combattu pour notre liberté.
Il a tenu à y associer Jean Albert, natif de Cassagne et habitant aujourd’hui à Salies-du-Salat.

Témoignages

Jean Bourgade a bien voulu nous raconter «la petite histoire d’un enfant du pays» :

«1944, en début d’année, j’avais adhéré à un groupe armé secret dirigé par Léon Durrieu, Directeur des Papeteries Lacroix, je connaissais les phrases d’alerte et d’action données par Londres : Le Père la cerise est verni, Les carottes sont cuites, Véronèse était un grand peintre, Les sanglots longs des violons de l’automne.
Le soir du 05 juin 1944, de retour de Boussens, où je faisais le STO, j’entends au poste les quatre phrases.
Je descends à grande allure à Bouque-de-Lens chez Léon Durrieu. Personne n’avait entendu l’appel, j’étais le seul informé.
Malgré tout, Léon Durrieu lance l’alerte, je remonte à Cassagne avertir les volontaires résistants : Marcel Junca, Louis Montané (Loule), Alfred Dargein, Jean-Marie Caujolle.
Rendez-vous au Moulin à Vent pour escorter la camionette des armes. Nous redescendons à Bouque-de-Lens où nous répartissons les armes: un fusil-mitrailleur, une mitraillette sten, des grenades et des explosifs.
La centralisation du maquis est Arnaud-Guilhem. Arrêt à Navarrines, le calme de la vallée et la sérénité de la nuit nous impressionnent. Pas d’explosion, aucun bruit, est-ce que j’aurais mal compris l’appel, j’en suis préoccupé.
Nous couchons dans le foin à Arnaud-Guilhem, ce n’est que le 06 juin au matin que Henry Debeaux, à l’écoute de la radio, nous apprend que les alliés ont débarqué en Normandie. Ouf ! J’avais bien entendu mais j’avais passé une nuit terrible.
Des volontaires arrivent de toute part. Quelques fusils de chasse seulement. Nous étions près d’une centaine.
Le 07 juin, les gens de Figarol nous suggèrent d’attaquer le poste de guet allemand gardé par une dizaine de territoriaux bien équipés malgré tout.
A la nuit, Léon Durrieu avec la camionette Lacroix, deux déserteurs de l’armée allemande qui nous avaient demandé asile et les volontaires nous amènent à Figarol.
Echange de coups de feu et une grenade. Personne ne risque rien, les balles allemandes passent au-dessus de nos têtes et les nôtres visent le mirador.
Nos munitions épuisées, nous sommes amenés à décrocher. De retour à la camionnette, Léon Durrieu et les guerrilleros ne sont pas là. L’attente ne peut se poursuivre, la camionnette rentre à Arnaud-Guilhem. Léon Durrieu et son groupe viendront à pied quelques heures plus tard. Quelle colère ! Nous sommes le 08 juin au matin, un groupe du maquis de Peyrouzet rentre d’un coup de main. Il se heurte à une patrouille allemande. Le groupe a quatre tués et le reste se diperse dans les bois.
Après une marche nous rapprochant de Peyrouzet, nos chefs décident de la dissolution du maquis et le retour à Mazères. Nous passons la nuit à Castans puis regagnons nos pénates , mécontents d’abandonner la partie.
Mais les allemands n’oublient pas et le lendemain, 10 juin, aura lieu la tragédie de Marsoulas et Mazères.
Ce même jour, 10 juin, un habitant de Laffitte-Toupière, revenu du maquis d’Arnaud-Guilhem, se croyant menacé, s’échappe ostensiblement et est abattu. C’est la deuxième victime du maquis d’Arnaud-Guilhem avec Raoul Barthe de Mazères. On a déploré en France des dénonciations. Pour nous, rien de semblable ne s’est produit. Le maquis d’Arnaud-Guilhem, partie du Corps Franc-Pommiès, commandé par des personnalités (Directeur des Papeteries Lacroix), n’a pas été inquiété, aucune délation n’a été constatée.»

PASSE GALLO-ROMAIN


Après avoir travaillé en 2009 sur les Eglises du Canton de Salies-du-Salat (livre consultable en Mairie), l’archéologue Bernard JOLIBERT, sous contrat avec la Communauté de Communes et chargé en particulier de l’étude du patrimoine local, s’est intéressé au riche passé gallo-romain de notre secteur (canton de Salies et voisinage).

Les résultats de son étude ont été présentés courant septembre à Salies-du-Salat et ont été regroupés dans un CD qui sera transmis à toutes les Mairies. Il pourra être copié par toutes les personnes intéressées.

A Cassagne, s’appuyant sur des renseignements qui lui avaient été donnés mais également sur des photos aériennes qui laissaient apparaître des traces caractéristiques d’implantations de l’époque étudiée, il a prospecté rapidement plusieurs sites.

Il s’est intéressé particulièrement aux lieux-dits « SAOUDET », « PRADET », « LANDE d’en HAUT » . Voici son compte-rendu :

Le Saoudet

«Au lieu-dit «Saoudet», en 1979, divers vestiges gallo-romains furent mis au jour au cours d’un labour. G. Manière y reconnut les restes d’une construction faite de gros galets de quartzite et de mortier gris, tandis que des fragments de tegulae et des tessons de céramique commune à cuisson oxydante jalonnaient le site. Un sarcophage fut découvert au même lieu. Au moment de sa découverte, la cuve trapézoïdale contenait les ossements d’un inhumé adulte. Il est conservé à l’église de Cassagne (Calcaire de Belbèze - Cuve incomplète).

Une autre cuve de sarcophage est conservée dans une maison du Saoudet (grès de Furne - trois fragments conservés - un manque sur un des longs côtés - traces de pic de carrier sur la paroi extérieure d’un des longs côtés).

Egalement conservées au Saoudet, de nombreuses plaques de marbre probablement antiques ( fragments de plaques de marbre, brèche à dominante beige de provenance inconnue).

Sur les parcelles 761, 762, 767 et 770, nous avons mené une prospection de surface sur le lieu de découverte du sarcophage. Cette recherche fut peu fructueuse, elle a livré un fragment de suspensura, un fragment d’amphore et un fragment de tegulae.»

Le Pradet

«Nous avons réalisé une prospection de surface sur les parcelles 745 et 747, qui a livré quelques éléments antiques : un fragment de suspensura et deux fragments de tegulae.»

Lande d’en Haut

«Sur les parcelles 750, 751 et 752, des traces quadrangulaires très nettes ont été observées par prospection aérienne. Cette anomalie de terrain suggère une vaste construction de 105m de longueur orientée nord-sud. Malheureusement, aucune prospection au sol n’a été possible et nous n’avons, de ce fait, pu vérifier l’existence d’éléments antiques en surface.»

CASSAGNE AU MOYEN-AGE

Notes Historiques

Notes historiques fournies par Bernard JOLIBERT, chargé du patrimoine archéologique, auprès de la Communauté de Communes du Canton de Salies. Les résultats des études menées par Bernard JOLIBERT sur les Communes du canton de Salies concernant la période du Moyen-Age ont été regroupés sur un CD-Rom consultable en Mairie qui peut être reproduit.

«Dès 1272, le Viguier de Toulouse se réservait, par un mandement aux bayles et aux Consuls de plusieurs localités commingeoises, le droit de réprimer les infractions au trafic du bois sur la Garonne et le Salat, notamment à Cassagne. Ce mandement réglait les dimensions pour le débit du bois et réservait à la justice du viguier la répression des infractions en cette matière.
Au XIIIème et au XIVème siècle, le nombre des bayles s’est considérablement accru, les actes en signalent dans de nombreuses communes commingeoises notamment à Cassagne.
En 1353, un inventaire de la châtellenie de Salies, comprend Cassagne, le village en fait encore partie au XVème siècle.
Les possessions des seigneurs de Montpezat de Saint-Martory formaient un bloc assez compact. Leurs propriétés dépassaient cependant les limites du terroir Saint-Martoryen. Ils possédaient notamment des champs à Cassagne.
Dans les limites précises que permet d’établir le pouillé de 1387, Cassagne (entre autres paroisses) jalonnait intérieurement le diocèse de Comminges.
Au XIIIème siècle, les Commandeurs de Montsaunès avaient des droits dans les dîmaires de Cassagne.
Les Templiers de Montsaunès avaient des tenures et droits divers à Cassagne. »

Les Mottes

«Sur la Commune de Cassagne, nous avons pu observer deux mottes castrales exceptionnelles :

- La Motte du Riou, Parcelles : 52 et 53
La motte du Riou se situe à 550 m au nord-est du centre du village de Cassagne.
Il s’agit d’une motte de plaine implantée à proximité du ruisseau Lens. Elle est de forme circulaire, tronconique, avec plate-forme castrale. Son diamètre à la base est de 49 m, le diamètre moyen de la plate-forme est de 20 m. au nord-est, le tracé de la basse-cour est parfaitement visible. Elle est de forme rectangulaire et mesure 49 m E-O sur 34 m N-S. La longueur totale des vestiges visibles est de 83 m.
Aucune structure n’est observable sur la plate-forme.
Il est envisageable que la route qui cerne le monument au nord, à l’ouest et au sud, ait un fossé défensif.

- La Motte du Castéras , Parcelles : 301, 868 à 870, 1103 et 1104

Cette motte est implantée en bordure du plateau sur lequel se développe Cassagne. Elle se situe au centre du village et il est vraisemblable qu’elle soit à l’origine de l’extension de cette commune.
La motte du Castéras est parfaitement circulaire et tronconique, le tracé de son fossé périphérique est parfaitement visible. Le diamètre de la motte à la base est de 61 m, celui de la plate-forme de 39 m en moyenne. Le fossé d’enceinte est large de 7 à 8 m, ce qui donne un diamètre total à l’édifice de 75 à 77 m.
Au sud-est, des constructions difficiles à dater, ont été élevées en périphérie du fossé et ont fossilisé son tracé.»

CASSAGNE AU RYTHME DES CHAMPS

Dans la première moitié du XXème siècle, la plupart des maisons de Cassagne étaient des fermes et la vie quotidienne des Cassagnards était rythmée par les travaux des champs.
Après la fenaison, la moisson et le dépiquage, la fête locale passée (le dimanche le plus proche de Notre-Dame), l’automne était là, avec, en perspective, les vendanges et la récolte du maïs.

Fenaison

«Brumo roujo, bent ou ploujo» : brume du matin annonce vent ou pluie. Au mois de juin, c’était l’époque de la fenaison. Les journées étaient longues et bien remplies. La saison des «foins» était une période essentielle dans un village composé presque exclusivement d’une population exploitant soit de petites fermes (tout en travaillant à l’usine), soit des fermes plus importantes. C’était un travail qui demandait beaucoup de main-d’œuvre.
Tout d’abord, on devait tenir compte du temps car il n’existait pas de prévisions météo et cela se faisait d’après les observations et l’expérience des anciens, méthode qui ne s’avérait pas si mauvaise que cela !
Nous devions préparer faucheuse et attelage : le joug était disposé sur la tête des bœufs ou des vaches à l’aide de courroies en cuir solidement enroulées aux cornes. Des moustiquaires étaient installées pour les préserver des mouches ainsi que des muselières pour leur éviter de manger les récoltes et compromettre ainsi la bonne conduite de l’attelage.
Donc, le matin, le père ou le grand-père partait dans le pré avec la faucheuse attelée pour couper l’herbe. Dans la journée tout était fané et mis en tas pour la nuit.
Le lendemain, lorsque le soleil était à son maximum vers midi, on partait avec la fourche sur l’épaule retourner l’herbe pour qu’elle puisse sécher convenablement. Le soir, on ramassait le foin avec un râteau mécanique, puis il fallait faire des tas avec une fourche à cause de la rosée : on appelait cela « accrouer».
Le surlendemain, il fallait éparpiller le foin pour que le séchage puisse se terminer. Je ne parle pas des aléas du temps lorsque l’orage menaçait et que le foin était étendu : il fallait partir à toute vitesse confectionner des tas.
Puis la récolte était chargée sur des charrettes. Pour cette opération assez compliquée, il fallait avoir une méthode pour faire tenir le foin en vrac sur les charrettes car l’herbe sèche est glissante ; il fallait de la dextérité pour réussir les coins (ou trousses). Si l’opération n’était pas convenablement effectuée, les charrettes dans les chemins cahoteux se délestaient de leur chargement. Deux personnes, souvent des femmes, suivaient la charrette dans le pré pour ratisser avec un râteau en bois afin de ne pas laisser une brindille de foin dans le pré. C’était certainement une notion d’économie, surtout de travail bien fait et nous étions contents de voir le pré bien propre.
Le foin sentait bon : il embaumait les soirs d’été et nous étions satisfaits lorsqu’il était réussi. Le rangement au grenier demandait de la main-d’œuvre qui n’ait pas peur de transpirer ferme : dans le fenil (espace aménagé au grenier où l’on serre les foins) sous les toits, il faisait très chaud ! Et le jour suivant…nous recommencions : il fallait avant tout faire une bonne réserve de foin et de regain (herbe qui repousse dans les prés après la fauchaison) pour que les animaux passent l’hiver jusqu’à la «repousse».

Moisson et Battage

«E djarc del maïti, la plejo pel cami. E djarc de la brespado, la plejo passado» : arc-en-ciel du matin, la pluie en chemin. Arc-en-ciel de la soirée, la pluie est passée.
C’est en juillet, lorsque le soleil avait doré les blés qu’avait lieu la moisson. La moissonneuse-lieuse était tirée par des bœufs, c’était déjà un progrès, auparavant c’était une faucheuse qui coupait le blé. Toute la famille était mobilisée pour effectuer ce travail qui débutait par l’ouverture du champ. Afin que l’attelage ne couche les épis en tournant, les coins étaient fauchés avec la faux équipée d’un accessoire en triangle qui servait à rassembler les tiges.
Ensuite, la faucheuse se mettait en marche. Le conducteur assis sur le côté, écartait à l’aide d’un râteau les épis que nous réunissions en javelles à l’aide de la famille. Lorsque ce travail était terminé, il fallait confectionner des gerbes et les attacher avec deux poignées de tiges nouées ensemble pour en faire un lien ou bien avec la canne à lier en rotin torsadé et des cordes spéciales. Les gerbes étaient alors assemblées en meules afin de laisser sécher la paille en attendant le dépiquage.
Venait ensuite le battage, gros travail qui se faisait avec le concours des voisins : on s’entraidait beaucoup. La batteuse était tirée par plusieurs paires de bœufs ; ce matériel très lourd se composait d’une batteuse, d’une presse et d’une machine à vapeur qui faisait tourner l’ensemble avec une longue courroie. Pour le bon fonctionnement, il fallait bien aligner et aussi se mettre de niveau dans les cours. Trois hommes assuraient le suivi des machines. Chacun avait sa place pour faciliter le travail. Un grand coup de sifflet et ça démarrait.
Les gerbes passées à la fourche s’engouffraient dans la batteuse. La paille sortait à l’avant et était pressée. A l’arrière, dans les sacs en jute, s’écoulait le grain, il était monté sur le dos et vidé dans le grenier de la maison.
Les «balles» (enveloppe du grain) s’entassaient sous la machine, elles étaient retirées à l’aide d’un râteau…
Nous aimions ces travaux de groupe, nous en oubliions la fatigue. C’est dans la poussière mêlée d’odeur de blé et de paille séchée et avec le bruit des machines que le travail avançait. Un grand coup de sifflet annonçait la fin. La grange dégagée et balayée servait de salle à manger : aussitôt, tables et couverts étaient dressés.
Une bonne douche aurait été nécessaire pour se débarrasser de la poussière et de la transpiration. Cependant, un rafraîchissement au robinet suffisait pour déguster avec appétit un bon repas.
Au menu, un potage avec la traditionnelle poule farcie, moutarde et cornichons l’accompagnaient. Le cassoulet était cuisiné avec des haricots tarbais fraîchement écossés qui avaient poussé dans le maïs servant de tuteur. On ne manquait pas d’ajouter un peu de confit, du jambon et une couenne pour qu’ils soient plus savoureux. Puis venaient le poulet rôti et la salade. Au dessert, oranges et bananes bien sucrées, arrosées d’un peu d’eau de vie étaient servies avec des beignets « maison». Le tout était arrosé de vin rouge, au final, d’un bon café avec la «goutte» pour les amateurs et…le paquet de gris n’était pas oublié !
Depuis quelques décennies, un seul homme et une énorme moissonneuse-batteuse suffisent pour bien plus de quantité à récolter !

Les Vendanges

«Périglé dé houré, las barricos en soulé» : s’il tonne en février, les barriques resteront au grenier !
Fin septembre, les vendanges se préparaient. Nous réunissions les comportes (des demi-tonneaux) que l’on se passait d’une ferme à l’autre. Nous vendangions chacun notre tour et avions besoin de bras pour que le travail n’occupe que la matinée. De belles grappes remplissaient les paniers qui étaient portés au bout de la vigne. Une joyeuse ambiance régnait dans la vigne; nous nous retrouvions ensuite autour d’une bonne table pour le réconfort. Il fallait du consistant pour satisfaire les estomacs affamés par les efforts du dur labeur.
Foulé à la main ou au pied, chaussures enlevées, pantalon retroussé jusqu’aux genoux, ou avec le fouloir, le raisin rejoignait les comportes qui étaient vidées dans le tonneau. Dix jours après, le vin était soutiré.
Aujourd’hui, presque toutes les vignes ont été arrachées. Certes, notre «vignoble» n’était pas spécialement connu pour la qualité de son vin. Eth vin de casa (le vin de la maison), un vin de soif souvent proche de la «piquette» était très apprécié des travailleurs, même s’il ne faisait pas toujours des centenaires, comme le prétendait un célèbre chanteur.

Le Maïs

Le maïs était semé au printemps sur un sol préalablement labouré et hersé avec les bœufs. Un sillon bien droit était tracé à la charrue puis il était semé à la main grain par grain et enfin recouvert.
Lorsqu’il avait poussé, on passait la houe puis il était bêché. C’étaient de petits champs, rien à voir avec les étendues actuelles pour les ensilages, depuis le remembrement.
La Récolte du Maïs: dans les années 1940, pas de machines, le maïs se récoltait à la main. Alors quand il faisait beau avant les grands froids, les propriétaires ramassaient vite le maïs en entier, pieds et grains étaient coupés à la faucille.
Puis on faisait une soirée «dépouillage» avec l’aide des voisins. Les jeunes se réunissaient dans une grange à l’abri et on triait les tiges d’un côté, le maïs de l’autre, car tout servait. Les tiges coupées en petits tronçons de quinze à vingt centimètres, servaient de litière pour les vaches. Les plus doués faisaient des tresses pour le suspendre. Nous ne manquions pas cependant de choisir les meilleurs épis pour la semence. Une exclamation annonçait la découverte d’un épi de maïs rouge.
Le travail se faisait très vite car à la fin on chantait, dansait même autour d’un bon petit réveillon. Dans la bonne humeur, tout était débarrassé et le plancher balayé. Nous nous rangions autour du feu, dans la cheminée grillaient de grosses poêles de châtaignes, que nous dégustions toutes chaudes. La confiture et quelques gâteaux faits maison, les «oreillettes», agrémentaient les observations sur la récolte. Un vin chaud sucré et bien parfumé puis flambé servait de boisson. Les conversations s’animaient, nous avions passé une bonne soirée.... et cela de maison en maison !
Dans d’autres villages, toujours aidés par les voisins, on déchirait au champ l’enveloppe qui entourait l’épi de maïs, à l’aide du «hourquet» (bâton d’acacia affûté comme une lame de couteau); ces épis étaient ensuite transportés dans des sacs et entreposés au grenier. Le maïs était égrené en hiver, soit sur place pour les besoins de la ferme, soit au moulin. Le grain concassé était destiné aux animaux, et la farine à la confection du millas.

TRADITIONS

Dans ces témoignages sur la vie quotidienne d’antan, les anciens retrouveront, peut-être avec un peu de nostalgie mais sûrement avec plaisir, une partie de leur vie. Les plus jeunes et les néo-ruraux auront l’occasion de découvrir des traditions du terroir qui rentrent maintenant dans le patrimoine immatériel de notre pays gascon.

La Fête de Noël

Comment Noël se passait-il avant ?
«Pendant la période de l’Avent, qui précède la fête de Noël, il était coutumier de sonner les aubades (ou aubettes) et ces sons résonnaient gaiement dans la nuit d’hiver. Quel plaisir pour les enfants de voir les cloches tourner à toute volée dans le clocher illuminé !»

La veillée :

«Toute la famille réunie autour du feu attendait minuit, les sabots devant le genévrier (le gébé) passant le temps en chantant et en mangeant des châtaignes grillées. Ces sabots avaient été bien nettoyés et alignés sur la plaque de cheminée où brûlait la bûche de Noël qui avait été soigneusement choisie pour l’occasion. Cette bûche devait «tenir le feu» jusqu’au retour de la messe : un signe de bonheur pour la maisonnée ! Il était aussi habituel ce soir-là de soigner copieusement les animaux. Il restait toujours quelqu’un à la maison pour le cas où un mendiant passerait : à son intention, une assiette était réservée toute la nuit pour cet éventuel visiteur.»

La messe de minuit :

«Nous allions à pied à la messe de minuit malgré le froid et l’église n’était pas chauffée. A Mazères, la messe de minuit était chantée par la chorale paroissiale. Les enfants s’émerveillaient devant les santons et l’enfant Jésus. Leur grand bonheur était de donner une pièce à l’enfant de chœur placé devant la crèche qui inclinait la tête pour remercier : c’était un santon ! Nous repartions dans l’obscurité et dans nos oreilles résonnaient encore Minuit Chrétien, Douce Nuit et Sounats Campannetos. Nous retrouvions alors notre bûche qui s’était presque entièrement consumée et la plaque était bien chaude pour réchauffer nos pieds.»
«Pour le repas de réveillon, on grillait une saucisse sur la braise ou on réchauffait une daube cuisinée la veille. Nous buvions un bol de «lait ferré» : les pincettes rougies au feu retenaient un morceau de sucre qui se caramélisait à la chaleur ; on trempait le tout dans le lait qui se réchauffait et se parfumait. Enfin, nous allions nous coucher avec en mémoire l’image de la crèche tandis que les chants résonnaient encore à nos oreilles : une bonne et douce nuit ! »

Des cadeaux :

«Le matin, nous découvrions nos cadeaux, des oranges et un sabot en chocolat avec le petit Jésus en sucre. Nous étions heureux, cela nous suffisait, nous ne connaissions pas autre chose. Parfois en cadeau exceptionnel, une pièce de bronze (quelques sous) était enveloppée soigneusement dans un papier argenté et restait quelques temps précieusement conservée dans le porte-monnaie. Plus tard, il nous fut offert un petit livre ou un jouet fabriqué à la maison.»

La Fête du Cochon

«Un jour, le curé demanda à un enfant : Quelle est pour toi la plus grande fête de l’année ? La réponse fusa, franche et sans détour : C’est la fête du cochon !»
C’était aussi un sujet de rédaction fréquemment choisi par les élèves de la communale tellement il marquait les esprits. Quelle déception pour l’enfant qui ne pouvait assister à la fête ! Mais il fallait s’armer de courage face aux cris de la pauvre bête essayant d’échapper à son triste sort et il fallait supporter la vue du sang.
« En janvier ou février…sans les mouches ! Encore une occasion de s’aider ; il est vrai que l’on se réunissait entre parents et amis pour travailler et aussi…pour se mettre à table. Mais travailler n’est pas un vain mot malgré la bonne humeur : attraper le cochon et le maintenir sur la table pour l’estocade, l’entourer de paille pour brûler les soies et les gratter, ôter les «onglons», le vider, séparer les morceaux nobles et laver les boyaux à l’eau froide pour le boudin, travail dévolu la plupart du temps aux femmes.»
« Dans beaucoup de villages, le cochon était attrapé par les hommes, muselé au moyen d’une corde, laquelle devait aussi permettre de maintenir la bête à la bonne distance, et surtout faire en sorte que la tête ne bouge pas. Tué sur une maie renversée, il était saigné. Une femme recueillait le sang dans une bassine et le remuait constamment pour éviter la coagulation. Le cochon était ensuite placé dans la maie remise à l’endroit et arrosé de seaux d’eau très chaude ; à l’aide de racloirs en fer (vieux morceaux de faux par exemple), les soies étaient enlevées et récupérées en vue de la revente au «peyarot» pour la confection de pinceaux et de blaireaux. Certains finissaient le travail en brûlant les derniers poils. Le tueur, toujours le même (Michel Bizac fut à Cassagne un des derniers spécialistes de cette tâche), venait bénévolement en échange du repas, de quelques tranches de «carbonade» et d’un pli de boudin fait le premier jour.»
«Après l’effort…le menu traditionnel. Un bon potage était servi avec un énorme pot au feu bien aillé, ensuite la «fricasse» de pommes de terre constituée de viande, de gras du bout des côtes (arrastos ou osseline) et autres «bons» morceaux entourés de grosses frites cuites dans la graisse ; auquel on ajoutait soit le poulet rôti, une salade verte, des oreillettes, quelques gâteaux secs et une salade d’oranges pour finir, soit une poule bouillie et son farci, la sauce noire aux carbonades.
Tous se régalaient ! Après ce bon repas, on faisait le boudin en remplissant les boyaux avec le sang du cochon utilement préparé avec plus ou moins de viande et assaisonné selon les recettes des cuisinières. Une fois cuit, le boudin était déposé sur des torchons dans une corbeille remplie de paille, ou suspendu au plafond sur des barres de bois (noisetier, bambou…) en veillant à ce que les plis ne se touchent pas pour éviter le moisi.»
«On laissait le cochon refroidir un jour ou deux, pendu dans la grange, entouré d’un drap, puis avait lieu le «fricotage» : le tueur venait découper l’animal (jambon, côtes, filets, lard). On cuisinait saucisses et saucissons, on salait lard et jambons avec leurs os dans le saloir. La graisse fondait sur le feu dans un grand chaudron de cuivre pour faire les fritons avec de l’oignon, ils s’égouttaient dans un grand cornet de tissu devant la cheminée. Plus le lard était épais, plus le propriétaire était bien considéré pour avoir bien soigné la bête. Poids du cochon et épaisseur du lard étaient l’objet de concours amicaux. N’oublions pas la vessie gonflée qui servait de réservoir à graisse ou de … ballon aux enfants.»
De nos jours, la famille Blanc perpétue encore cette tradition, pour le plus grand bonheur de tous ceux qui en profitent !

Le Feu de la Saint-Jean

Le Feu de la Saint-Jean (era Sent Joan), est une fête traditionnellement reconnue comme catalane qui a lieu lors du solstice d’été, le 23 juin.
C’est un culte rendu au soleil qui a gardé, par bien des aspects et malgré un habillage chrétien, des airs de fête païenne.
Ce culte est redevenu vivace ces dernières années en partie grâce au classement au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco en 2015.
Le Feu de la Saint-Jean célébré à Cassagne fait partie intégrale de ce cadre général, même si l’élément principal, le tronc (eth har), est beaucoup plus dépouillé ici que dans les contrées voisines. En effet, on se contente à Cassagne de dresser un tronc que l’on habille de petit bois ou de fagots qui vont faciliter son embrasement, là où nos voisins de Barousse ou du Luchonnais écorcent, sèchent et fendent ce tronc qui est enfin décoré.
Il est placé traditionnellement à l’endroit le plus élevé du village de manière à être le plus visible.
A Cassagne, il est pragmatiquement édifié au Santet, lieu central du village où la population est la plus à même de se rassembler.
Les habitants se retrouvent donc un vendredi soir le plus proche du solstice d’été dès 20h et patientent avec un (ou plusieurs !) apéritifs et des grillades pour se sustenter.
A la tombée de la nuit, le feu est allumé par un employé municipal, Mr le Maire, un jeune du Comité des Fêtes....ou un "Jean" quelconque !
A l’issue de la crémation, les enfants récupèrent tisons et charbons pour se débarbouiller allègrement en se poursuivant.
Il fut un temps où les jeunes cherchaient à récupérer eth har et le ramener dans leur quartier, trophée de guerre indiscutable. De nos jours, la fête se termine assez rapidement, les danses, joueurs de violons et autres animations anciennes, ayant disparu depuis de nombreuses années.

 
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